[Cet article, publié en anglais dans le journal anarchiste insurrectionnaliste américain Wilful Disobedience au début des années 2000, a été écrit par son principal auteur Wolfi Landstreicher. Si son propos peut paraitre court, voir synthétique, il pose la question de l’opposition traditionnelle entre individu et communauté d’une manière assez inédite, à la manière d’un Malatesta (même si ce dernier se définissait plus ouvertement anarchiste-communiste) et romps avec les clivages traditionnels encore prégnants qui traversent les mouvements anarchistes et anti-autoritaires.]
L’individualisme et le communisme.
Les buts de révolution anarchiste.
Le projet anarchiste insurrectionnel est un projet révolutionnaire, c’est-à-dire un projet qui vise à la destruction de la société actuelle et la création de nouvelles manières de vivre. Le but de cette révolution est la suppression de toute limite sociale qui empêche les individus de créer leur propre vie en fonction de leurs propres désirs et les rêves et déterminer les relations qu’ils veulent créer pour ce faire.
Mais un tel objectif implique aussi d’autres buts. Le système social du capital sépare la plupart des gens à partir des conditions d’existence. Cela oblige la grande majorité à accepter les médiations du travail et de la consommation des matières premières afin de maintenir une existence minimale au détriment de leurs vies, de leurs désirs, de leurs rêves, et de leurs individualités. La rareté artificielle économiquement imposée par le capital conduit à une concurrence qui est souvent promue aux Etats-Unis comme la base de «l’individualisme», en dépit du fait qu’il crée à peu près les mêmes existences médiocres dans lesquelles la vie est subsumée dans la survie. Il est possible, même dans ce contexte social de reprendre sa vie, les conditions de son existence, dans une mesure limitée, en choisissant de vivre sur les marges comme un hors-la-loi.
Mais une telle décision ne peut être qu’une première étape si l’on ne veut pas s’isoler. Il nous met dans une position de guerre avec la société telle qu’elle existe. Et ses ennemis – les maîtres de cet ordre – ont beaucoup plus accès aux moyens d’existence que le hors-la-loi marginalisé. Donc, si cette révolte individuelle ne veut pas tomber dans le domaine des gestes inutiles, elle doit se tourner vers une perspective révolutionnaire. Cette perspective se développe lorsque l’on reconnaît la nécessité de détruire l’ordre social, la destruction complète de l’État et du capital. Si tous les individus doivent en effet être libre de créer leurs vies et leurs relations comme ils le souhaitent, il est nécessaire de créer un monde dans lequel l’égalité d’accès aux moyens et aux conditions d’existence est une réalité.
Cela nécessite la destruction totale de l’économie – la fin de l’échange marchand des biens et du travail. Ainsi, nous voyons que la prise de conscience généralisée de la liberté individuelle va de paire avec les meilleurs aspects de l’idéal anarcho-communiste et ne peut être atteint que grâce à une transformation révolutionnaire. Mais une telle révolution n’est pas un don accordé par l’Histoire abstraite.
C’est ici que la pleine signification de la révolte individuelle fait sens. Lorsque l’on rejette toute vision déterministe de la révolution, il devient clair que les actions des individus en révolte consciente contre l’ordre social sont essentiels pour la construction d’une révolution. Ces individus qui rejettent toute exploitation, qui refusent de mettre en place avec un monde qui exige d’acheter sa survie au détriment de ses rêves et de ses désirs, au détriment de la vie vécue pleinement, et qui recherchent les outils et les méthodes pour détruire cette ordre social. A partir de ces analyses, les projets et actions qui sont la base d’une projectualité anarchiste insurrectionnelle peuvent se développer.